Perte de logique du système de soin
Depuis plus de 30 ans les lois de santé s’enchaînent à chaque quinquennat, dans un manque évident de cohérence en matière de santé. La logique suivie n’est pas celle de la qualité des soins, mais une logique comptable implacable et trans-gouvernementale de maîtrise des dépenses en santé.
La France vit largement au-dessus de ses moyens, elle est surendettée ( actuellement à hauteur de 3 000 milliards d’euros) et fait des choix, non assumés, d’économie y compris en matière de santé.
L’adhésion de la France aux traités européen de Maastricht de 1992 impose aux États membres l’obligation de maîtrise des déficits publics fixé à moins de 3% du PIB. Cette maîtrise des dépenses se fait via des arbitrages au détriment des mêmes secteurs : Santé, Éducation, Justice, les parents pauvres de nos sociétés occidentales.
A partir de 1996, le système de Santé est mis à mal via des lois de financement :
- PFLSS: Projet de loi de financement de la sécurité sociale
- ONDAM: Objectif national des dépenses de l’Assurance maladie
Ainsi, le coût de la santé est désormais considéré comme une dépense pure, donc une charge pour la société. On rentre dans une logique comptable de ces dépenses qui ne seront plus considérées comme un investissement pour le futur.
La deuxième logique trans-gouvernemental est lié à la notation de la France par des agences mondiales spécialisées. Ces notations permettent entre autres à la France à emprunter plus ou moins facilement sur les marchés financiers pour recouvrir sa dette souveraine. Rappelons ici que la France est endettée à hauteur de 3 000 milliards d’euros. Rappelons aussi que la France est passée du statut le plus haut (AAA) à un statut intermédiaire (AA-), et tout cela parce que l’État ne fait pas assez d’économies.
Tout cela aurait du sens, si nos politiques avaient le courage de dire la vérité. Or, il n’en est rien. Nous vivons en France en surendettement. Or nos politiques se réfugient derrière l’image des 30 glorieuses et tout ce qu’elle a amené, sauf que le monde a bien changé depuis. Depuis le 1° choc pétrolier, la France n’a plus les moyens de ses envies. C’est un fait, mais nos politiques ne peuvent pas le dire, car très justement “politiquement incorrect”. Donc faisons croire à ces électeurs que tout va bien, que l’on maitrise la situation, et ça ira mieux… Après les prochaines élections.
À partir des années 2000 la CNAM, Caisse nationale d’assurance maladie (Statut de droit privé), perd son indépendance et devient soumise aux exigences du ministère de l’Économie, sous l’influence de Matignon et de l’Elysée.
Partant du principe que l’offre génère la demande et la demande génère la dépense, pour limiter celle-ci, il est alors décidé de diminuer l’offre.
Pour tenir l’objectif de diminution des dépenses, il a fallu mettre les professionnels de santé sous tutelle par une technocratie, synonyme d’une suradministration par une exacerbation de la bureaucratie.
En 2009, la loi HPST (Hôpital Patient Santé Territoire) portée par Roselyne Bachelot est à l’origine de la création des Agences Régionale de Santé. Ces agences avaient au départ l’interêt de réunir toutes les agences de santé régionales de l’époque (ARH, URCAM, DDASS, DRASS…) et ainsi d’optimiser les dépenses de l’administration de l’État.
Outre la restructuration de ces instances sous la houlette du directeur général nommé préfet régional de la santé, les missions de chaque structure ont été également modifiées.
Ainsi, l’ARS est responsable non seulement de la santé publique en région, mais aussi de l’organisation de l’offre de soins. Cette deuxième mission était dès sa création très critiquée, en particulier par les professionnels de santé. En effet, une nouvelle couche administrative venait s’interposer entre les soignants et l’organisation des soins sur les territoires, rigidifiant une souplesse et une adaptabilité pourtant indispensables.
15 ans après, malgré une crise sanitaire majeure, l’État n’a pas remis en cause ce montage, de nombreux législateurs ayant pourtant demandé la disparition des ARS. Pourtant l’ARS pourrait maintenir ses attributions en politique de la santé, mais l’organisation des soins ne devrait pas être de son ressort.
Petit à petit est ainsi apparu un grignotage du temps médical au profit du temps administratif.
Cette logique comptable a eu très rapidement deux conséquences directes :
- La diminution des lits d’hospitalisation dans le secteur public en aval des urgences
- La désertification dans le secteur ambulatoire, d’abord en rural puis dans les villes
Dans les 2 cas, une perte de sens pour les praticiens qui se retrouvent dans une médecine hyper administrée et de moins en moins humaine.
Ainsi, en moins de 20 ans, nous avons abouti à la paupérisation de l’offre de soins alors qu’il n’a jamais autant été dépensé pour la santé.
Cela s’explique en grande partie par un manque de vision globale de la santé (et non pas de soins seuls) car le temps politique n’est pas le temps santé.
La solution actuellement proposée par nos politiques a été d’ ouvrir ces secteurs à l’économie de marché. Rappelons ici, qu’en son nom et en celui de la désindustrialisation de la France, 90% de la pharmacopée sont produits en Inde et en Chine, engendrant les graves pénuries actuelles.
Le risque est aujourd’hui celui d’une santé financiarisée qui ne sera plus à la charge de l’État, mais des assureurs privés et des fonds financiers en tout genre, au nom de la concurrence. Ainsi la santé devient un bien de consommation comme un autre, peu importe sa qualité.
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