Vous avez sans doute entendu parler au moins d’un de ces acronymes, mais savez-vous réellement ce qu’ils représentent ? Nous allons tenter de vous répondre de façon la plus factuelle et précise possible.
Pour bien comprendre ces dispositifs, faisons un brin d’histoire…
CODTS
Collectif pour l’Organisation et la Défense du Territoire de Santé
Le concept de CODTS est apparu en 2010, présenté par le Dr Nikan MOHTADI, basé sur une réflexion commune des médecins libéraux du Finistère et de la Bretagne. Le concept se voulait d’apporter une alternative à la loi HPST de Mme Bachelot dans laquelle, entre autres, nous assistions à la création des ARS d’une part, et d’autre part la mise en avant du concept des MSP. Rappelons ici que lors des EGOS (Etat Généraux de l’Offre de soins) de 2009, le projet des PSLA (Pôle de Santé Libéral Ambulatoire), porté conjointement par les URPS de Basse-Normandie, Pays de Loire et la Bretagne, avait retenu tout l’intérêt de la Ministre. Ce projet se voulait initialement d’être UNE réponse, parmi tant d’autres, à la problématique des zones désertiques de l’époque (en particulier en zone rurale et semi-rurale), précisant bien que la réponse majeure devait se prendre au niveau national par l’augmentation du numérus clausus et un choc d’attractivité dans ces territoires.
En attendant, le concept pouvait être pertinent par le regroupement de professionnels de santé, de façon physique ou virtuelle, pour une prise en charge coordonnée des soins dans ces zones déficitaires. Il était spécifié aussi à cette époque que l’exercice coordonné ne pouvait pas se résumer à ce seul concept, qu’il existait depuis la nuit des temps, mais que cette approche permettrait de la mettre en lumière et en valeur.
Enfin, il a été notifié que cette démarche devait être expérimentée et évaluée, avant une éventuelle généralisation.
Notre ministre, friande de tout ce qui pouvait répondre à une démarche contre la désertification rampante, a repris ce concept à son compte, l’a transformé en MSP (Maison de Santé Pluridisciplinaire), a cadré son financement (conventionnel) et l’a inscrit d’emblée dans sa loi HPST sans aucune évaluation sur expérimentation.
Ainsi les MSP sont devenus en un claquement de doigt, et du jour au lendemain, l’alpha et l’oméga de LA réponse à la désertification de ces zones, et au-delà, partout sur le territoire français. Bien évidemment, la cause principale de la désertification a été totalement oubliée et mis sous le tapis : la gestion du numérus clausus qui suivait le dogme “moins d’offre, moins de dépense”.
Sur le constat d’une dénaturation du projet initial qui se voulait pragmatique, expérimental et exigeant une évaluation, en Bretagne, 2 approches complémentaires et indépendantes se mettent en place, basées toutes les 2 sur le même diagnostic, le fait que l’exercice coordonnée ne pouvait pas se résumer aux seuls MSP:
- L’URPS Bretagne introduit la mise en place de Gécolib, association ayant pour vocation de défendre l’exercice coordonné, d’une part au sein des MSP en se centrant sur le projet professionnel (et non pas le projet architectural). D’autre part, cette association a tenté de mettre en avant l’exercice coordonné en dehors des MSP, soulignant l’expertise des libéraux à faire un diagnostic précis des besoins et de l’offre.
- Un groupe de médecin du Finistère, coordonné par Dr Nikan MOHTADI, ont travaillé sur l’approche territoriale de l’offre de santé, mettant en avant l’intérêt de l'exercice coordonné autour d’un projet de santé spécifique et partagé par les PS de ce territoire. Ces collectifs (CODTS) entendaient mettre en avant l’agilité du monde ambulatoire à proposer des organisations Territoriale de santé, et ce, en fonction de l’offre et de la demande. Ils entendaient ainsi, en partenariat avec les instances locales et régionales (ARS, CPAM et URPS) apporter un diagnostic précis de besoins, spécifique à chaque territoire, partant de principe d’une part que tous les territoires n’avaient pas les mêmes besoins, et que d’autre part il y avait une limitation à ces organisations dont les réponses se situent à une échelle plus haute (numérus clausus en particulier). La notion de “Défense” des CODTS soulignait justement cette limitation qui était hors du champ d’action de ces collectifs.
Ainsi, dès 2016, Nikan MOHTADI, alors président de l’URPS Bretagne, a entamé avec l’Assemblée Générale de l’Union Régionale un travail de rapprochement de ces 2 approches. Cela a donné naissance aussi à une coconstruction des futures CPTS (Communauté Professionnelle du Territoire de Santé) avec les autres URPS de la région et avec l’ARS (cf infra)
COMELI
Collectif de Médecins Libéraux
Les COMELI sont nés en 2015 en réponse à la loi de “Modernisation de la Santé” portée par Mme Marissol Touraine. L’acronyme initial signifiait le “COllectif des MEdecins LIbéraux”. La proposition de cette loi a été aussi l’occasion de la création de nouveaux CODTS un peu partout sur le territoire. Finalement, la carte de France a vu apparaitre des territoires géographiques à l’échelle d’un bassin de vie ou naissaient soit des COMELI soit des CODTS, et ce, dans un élan de rejet de 2 dispositifs de la loi santé : La généralisation du tiers payant généralisé ET le transfert de la gestion DMP à l’Assurance maladie.
Bien évidemment, il existait d’autres articles très positifs dans cette loi apportant de réels avancés comme les paquets de tabac neutre. Mais comme toutes les lois “Cadres” cette loi était une somme de directives assez hétérogènes. Notons ici que cette loi a été aussi à l’origine des GHT (Groupement Hospitalier du Territoire), véritable casse-tête technico-administrative qui a embolie le temps médical de nombreux professionnels de santé, avec un résultat très mitigés à ce jour et sans aucune évaluation du dispositif.
Ces actions conjointes entre CODTS et COMELI, soutenu en parallèle par les syndicats, ont permis d’une part le blocage du tiers payant généralisé, et d’autre part via les syndicats l’obtention d’une revalorisation du G à 25E quelques mois après le début de la mobilisation.
Malheureusement, et comme d’habitude, cette revalorisation légitime a fait rentrer les CODTS et COMELI en sommeil, n’ayant pas eu le temps de mettre en avant d’autres anomalies des lois précédentes.
C’est fin 2022, après l’analyse conjointe de PFLSS23 et du texte conventionnel (rejeté par tous les syndicats) que les COMELI se réactivent. L’Acronyme signifie désormais “Collectif pour une Médecine libre et indépendante”.
Cette modification fait suite aux constats amers d’une nette perte d’indépendance de la profession par des mesures de plus en plus restrictives dans la convention, allant jusqu’à mettre à mal notre code déontologie. L’apparition par ailleurs de lois (Rist, Valletoux) viennent augmenter la colère des médecins.
Ainsi, la loi Rist introduit le transfert de compétences du médecin vers l’ “infirmier de pratique avancée” (IPA), et vers les pharmaciens. L’ensemble introduit une nouvelle notion, celle des “Équipes de Soins Traitantes”, véritable ineptie, dans laquelle, faute de former des médecins et rendre leur métier attractif, la loi transfert des compétences médicales à des professions qui n’ont ni la formation ni le temps, sans compter le vide juridique béante des responsabilités médico-légales.
Cette nouvelle vision de prise en charge fait penser aux tristes 35 heures des années 80-90. À cette époque, du fait de manque de travail, le législateur décide de diviser le travail restant à des secteurs spécifiques de l’économie sans tenir compte de la réalité des faits. Notons qu’en 2023, alors que les 35 heures perdurent, le temps de travail moyen hebdomadaire d’un médecin est de 54h (étude dress).
La loi Valletoux intègre d’autres adjonctions comme le retour de la PDSA et de PDSE obligatoire (alors que cela fait plus de 20 ans que l’on sait, évaluation à l’appui, que cela n’apporte rien), la généralisation des CPTS, et surtout le renforcement de l’Engagement Territoriale de Santé, pour les médecins (d’après Mr Valletoux) qui ne seraient pas assez engagés.
Le déni de la réalité est à son paroxysme, avec un transfert des responsabilités de l’État vers les territoires avec aucun moyens organisationnels. L’ensemble de ces dispositifs rentre dans une nouvelle couche administrative dans le mile feuille déjà bien chargé, le “Conseil Territorial de Santé”.
CPTS
Communauté Professionnelle du Territoire de Santé
À l’origine, le concept le plus approchant de la CPTS était un article obscur de la loi de modernisation de la santé de Marissol Tourraine. Cet article introduisait de façon extrêmement vague “le Service Territoriale de Santé Public” qui de l’aveu même des cadres du ministère de la Santé avait un périmètre trop flou.
Sur la base de travaux déjà réalisés par la Bretagne autour des MSP, la région Bretagne a été donc invitée à travailler sur ce concept à partir de 2016.
Très rapidement, une proposition de modification de cadre est proposée par l'URPS et l'ARS Bretagne, introduisant la notion de communauté essentiellement des professionnels de santé du monde ambulatoire, ainsi que le périmètre géographique du territoire de santé. La jonction avec le concept de CODTS et Gécolib évoqué plus haut devenait donc naturel. La notion de “Défense” disparait, car pouvant être mal compris, ainsi que “l’Organisation” puisque partie intégrante des futures CPTS.
L’URPS des médecins de Bretagne et l’ARS conviennent alors que les futures CPTS :
- Seraient fédératrices des professionnels de santé ambulatoire du territoire, et ce, sur la base du volontariat
- auront les capacités de faire des diagnostics territoriaux de l’offre et de la demande en santé
- feront de propositions concrètes en innovation organisationnelle pour répondre à ces besoins
- la coordination de leur déploiement se ferait sous l’égide des URPS régionales sur la base de projet présenté par les territoires
- leur financement serait régional (Fond d’Investissement Régional) octroyé par l’ARS, après examen conjoint du projet par une commission spécifique, avec période d’expérimentation et d’évaluation avant une quelconque généralisation du dispositif
Il est à préciser que le concept, validé en région par les URPS et l’ARS, a été présenté et validé par:
- le ministère de la Santé
- la conférence nationale des URPS des médecins libéraux
- l’ensemble des autres URPS non médecin
Alors que fin 2018 nous auditionnions les premiers porteurs de projet à titre expérimental, quelle fut notre surprise en apprenant :
- Le financement de ces projets passait du FIR vers la convention (Accord Cadre Interprofessionnel), ce qui n’a jamais été la demande exprimée, et qui plus est, était un vol du rôle de la région dans la gestion de ces projets. Fort heureusement, et pour ne pas fâcher les ARS, elles auront le mot de fin pour “valider” ou pas la reconnaissance en CPTS
- La définition d’emblée de projets socles (accès au médecin traitant, et les SNP) alors qu’il a été toujours dit que ce sont les CPTS qui font le diagnostic et proposent des projets répondant aux besoins du territoire
- l’intégration du monde hospitalier dans l’organigramme de la CPTS, alors que celle-ci était orientée vers le monde ambulatoire, une communauté hospitalière existant déjà à travers les GHT, et une communauté du médico-social à travers les DAC (Dispositif d’Appui à la Coordination)
- la création spontanée d’une fédération nationale des CPTS, alors même qu’aucune CPTS n’étaient encore opérationnelles, rendant les URPS “optionnelles” dans l’appui à la création des CPTS dont c’était la mission première
- l’arrivée de nouveaux acteurs (AvecSanté) qui rendait encore plus optionnelle les missions des URPS, institutions déjà en place pour certaines depuis 1994
Nous sentions déjà une dénaturation du projet initial, dont les fonds conventionnels permettaient aux financeurs d’imposer leur vision aux dépens des PS du terrain. Cela rappelait étrangement la dénaturation du projet des PSLA transformés en MSP. Mais le meilleur restait à venir, lorsqu'en post pandémie covid, nous voyons que:
- les SNP sont dorénavant ouverts des structures spécialisées et souvent financières, sans aucune régulation, et sans passer par la coordination des CPTS
- l’exercice coordonné, somme de compétences centré sur le patient, devient le “partage” des compétences du médecin vers d’autres professionnels de santé
- il existe une véritable transfert des responsabilités propres de l’Etat vers ces nouvelles structures, sans qu’ils aient les moyens techniques d’y répondre
Ainsi une approche pragmatique, basée sur l’expertise et l’agilité du monde ambulatoire, devient une couche technocratique de plus dans la mille-feuille administrative qui caractérise nos élites parisiennes.
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