Comment en est-on arrivé là ? Il serait difficile de résumer tout cela en quelques lignes, et sans une connaissance précise de l’histoire de la gestion en santé en France, il est difficile d’avoir un diagnostic précis et proposer des solutions cohérentes.
Nous vous invitons à lire cet article très complet qui retrace les grandes étapes qui ont régi les décisions en santé depuis plus de 100 ans.
Pour résumer, la situation actuelle est une pièce de théâtre en 3 actes, la somme de 3 principes aussi incohérents qu’hypocrites :
- L’offre génère la demande et la demande génère la dépense. Donc, il suffit de diminuer l’offre pour diminuer les dépenses.
- Une suradministration démesurée pour entretenir et gérer la pénurie.
- Dénigrer ensuite tout cela sur la population la plus simple à atteindre : les professionnels de santé.
La deuxième cause est structurelle et relève de la macro-économie. L’Europe a été et est toujours une idée vertueuse, mais qui malheureusement a trouvé ses bases sur l’économie de marché.
En effet, le libre échange des biens et des capitaux sous-tendus par la concurrence économique a été considéré garant de paix mondial après les deux guerres du vingtième siècle. Ainsi, les traités européens successifs ont influencé directement les politiques économiques des pays membres, allant jusqu’à leur imposer la gestion de leurs budgets internes. Cette logique a amené à la désindustrialisation, en particulier en France, dont une des conséquences directes est la diminution des entrées dans la caisse d’assurance maladie par la diminution des cotisations employeurs/employés.
Sans remettre en cause une seule fois cette obligation européenne, les gouvernements successifs ont mis en place des restrictions budgétaires drastiques sur l’ensemble de la protection sociale française, et plus précisément la santé. Dans ce domaine particulier et devant la catastrophe annoncée, il était tentant pour un gouvernement de faire le strict minimum pour rester fidèle aux objectifs européens et laisser la patate chaude à la prochaine mandature. La tension engendrée par cette vision européenne, néolibérale aussi, va obliger des pans entiers de la société à se réformer malgré eux. Et finalement l’État providence viendra avec ses solutions, les unes plus miraculeuses que les autres, pour mettre en œuvre ces réformes dont le point commun reste la réduction des coûts…!!! Ainsi, on met à la poubelle en France une histoire économique et sociale, héritage de nos anciens, mais qui est incompatible avec la nouvelle histoire
La troisième cause est plus d’ordre sociétal dans le sens d’une recrudescence de la lutte des classes. En effet, les difficultés d’accès à la santé en France concernent essentiellement la population générale, là où les élites de la société (nos gouvernants en particulier) shuntent totalement ces difficultés. Ainsi, avec un carnet d’adresses bien fourni, des moyens financiers et des circuits alternatifs, alors tout est possible. Il est étonnant de voir que ceux qui sont responsables de cette désorganisation de la santé ne sont pas concernés par ses effets délétères. On ne verra jamais un ministre ou un député passer 12h d’attente sur un brancard des urgences d’un hôpital public. De la même façon, ils n’auront pas de difficultés à trouver un RDV dans les 48h avec un ophtalmo, là où le commun des mortels mettra six mois. Cette déconnexion de l’élite de son peuple n’est pas seulement valable dans le domaine de la santé. Elle est visible dans bien d’autres secteurs, rappelant les privilèges des castes d’autrefois.
En médecine, nous savons mieux que quiconque que si le diagnostic est faux, le remède sera pire que le mal. La stratégie de la santé du 20° siècle a été basé sur le soin. On parlait et on parle du risque “maladie” à l’image de l’assurance maladie. Cette approche pouvait se comprendre dans la première moitié de ce siècle, et après les deux guerres mondiales. Les trente glorieuses, les progrès technologiques et scientifiques de cette période, l’augmentation de l’espérance de vie, et l’explosion des pathologies chroniques ont très vite montré les limites de ce raisonnement. Le fameux trou de la sécu s’est révélée dès le début des années 80.
Au lieu de changer de vision et de stratégie, nos décideurs se sont lancés corps perdus à maitriser ces déficits chroniques. Cela a donné naissance à la maitrise comptable de la santé dont nous voyons aujourd’hui les conséquences désastreuses. Et pourtant, nous étions, nous, professionnels de santé, dès les années 2000 à alerter de l’absolue nécessité de revoir ces stratégies.
Un bon système de santé est celui qui ne se résout pas seulement à soigner, mais à prévenir la maladie. Or, tant que l’on restera sur une logique uniquement de soins curatifs, au mieux c’est une charge pour un État, et au pire une manne financière pour les assureurs et autres fonds financier. Ainsi, il convient de désormais de parler du risque “santé” que celui de la maladie. Le vieillissement de la population et l’augmentation de l’espérance de vie nécessite ces actions afin de vieillir en bonne santé plutôt de se contenter de soigner le risque immédiat. On s’inscrit alors dans une logique de long terme. On ne devrait plus parler d’accès aux soins, mais à la santé.
Avec plus de 300 milliards de dépenses globales annuelles en santé, la part de la prévention ne représente aujourd’hui que 530 millions d’euros sur 5 ans… Soit 0,034% des dépenses. Ces chiffres implacables reflètent la logique et la stratégie actuelle qui va évoluer vers la financiarisation de la santé. Celle-ci va profiter essentiellement aux industriels (pharmaceutique en particulier) qui ont tout intérêt à ce que la maladie existe pour vendre plus de thérapies. La France n’a jamais autant dépensé pour son système de santé alors que celui-ci est de plus en plus à l’agonie. Ne nous faut-il pas revoir notre diagnostic et la thérapie adaptée ?
Ce site et son contenu ont été réalisés par des médecins volontaires, essentiellement en plus de leur temps de soins. Le temps passé a été important, ainsi que les acquisitions de différents outils (hébergements, plug-in, images et photos, presse…).
Même si un petit soutien financier n’est pas obligatoire, il nous sera d’une grande aide pour subvenir à ces charges. Par ailleurs, vos dons, nous permettrons de financer vos collectifs (location de salle, pots de convivialités, matériels de présentation et d’animation, etc.) le temps que ces collectifs aient leur propre autonomie dans leur gestion locale.
D’avance merci de nous soutenir, de VOUS SOUTENIR.
Les autres avis