Courrier comeli - syndicats
courrier comeli - URPS
Au regard de l’histoire de la santé au cours du 20° siècle, et depuis la création de la “sécurité sociale” en 1945 par le Conseil National de la Résistance (CNR) le monde de la santé, en particulier le monde ambulatoire, a naturellement accepté un “contrat moral” avec la société via la convention médicale.
La convention médicale négociée entre les syndicats représentatifs et la Caisse Nationale d’Assurance Maladie (CNAM) garantit ainsi l’égal accès aux soins à tous ses bénéficiaires.
Sa première version remonte aux années 70 après de nombreux travaux en amont de sa signature. C’était une convention uniquement tarifaire pour les médecins libéraux, juste et équilibrée dans laquelle le prix des actes était négocié entre les deux parties garantissant une tarification identique sur tout le territoire en échange de la prise en charge d’une partie des charges sociales du praticien.
Ainsi, tous les 5 ans, une nouvelle convention était signée entre les partenaires sociaux pour garantir le 2 piliers de “la sécu” :
- Chacun cotise en fonction de ses moyens et profite du système en fonction de ses besoins
- Égalité d’accès aux soins partout sur le territoire
Sur ces 2 principes hautement vertueux, les médecins libéraux vont spontanément signer cette convention (véritable engagement social) à plus de 99,9% d’entre eux.
Parallèlement, on assiste à un double phénomène :
- La division syndicale pour des raisons idéologiques, somme toute légitimes, mais aussi pour des raisons de personnalité des dirigeants. Ainsi en 1970 il n’y avait qu’un seul syndicat de médecins libéraux, la CSMF (Confédération des Syndicats Médicaux Français). En 2023, on dénombre une division en plus de 8 syndicats, ce qui participe d'une part à la paupérisation de la profession, et d’autre part à une adhésion des médecins inférieure à 10%. Diviser pour mieux régner devient l’adage de la CNAM. C’est en grande partie pour cela que l’histoire de la santé a vu naître différents mouvements asyndicaux et apolitiques comme les coordinations en 2002, les Collectifs de médecins libéraux en 2010, l’UFML en 2014 (Union Française pour une médecine libre, véritable lanceur d’alerte avant de devenir un syndicat de plus), les COMELI en 2020 et aujourd’hui MPD (Médecin pour demain)
- Une convention qui change de structure progressivement, se chargeant de plus en plus de contraintes, directement liées aux arbitrages décidés à l’Élysée, Matignon et avenue de Ségur. Tout est fait par ailleurs pour que cette convention, négociée entre les partenaires sociaux, deviennent in fine une prison pour le praticien qui ne peut plus la refuser sous menace de mort économique (différenciation de remboursement de l’Assurance maladie entre le tarif d’opposition et le tarif d’autorité).
Tandis que les médecins libéraux sont prisonniers de la cage dorée de la convention, nos syndicats sont également en grande difficulté. En effet, avec un taux de syndicalisation de moins de 10%, essentiellement lié à des divisions stériles entre eux, l’équilibre économique des syndicats est sérieusement mis à mal.
Pour résoudre ce problème financier, plusieurs pistes sont proposées :
- Attribution de fonds conventionnels à la signature de la convention : Aussi hallucinant que cela puisse paraître, une enveloppe de plusieurs millions d’euros est dédiée et partagée entre les syndicats qui signent (ou signeront) la convention médicale, et ce, en fonction de la représentativité de chaque syndicat. Présentée comme une enveloppe pour “la formation des cadres”, elle permet une organisation et une vie syndicale autonome d’un syndicat à un autre. Mais à quel prix? Celui de signer une convention, quel que soit son contenu ? Juste pour maintenir la boutique syndicale à flot avec l’indemnisation des médecins actifs dans des réunions, les salaires des ressources humaines, l’immobilier? Que reste-t-il alors de l’indépendance d’un syndicat qui refuse de signer, risquant la mort économique pour la défense de ses idées ?
- Création d’organisme de Formation Médicale Continue (FMC) : Sans remettre en cause la qualité de ses formations, il est assez étonnant que tous les syndicats médicaux aient des organes de formation médicale continue. Celle-ci est l’héritage de la loi de 2010 puis de 2014 qui rend obligatoire le “Développement Professionnel Continue”. Il existe de nombreux organismes de formation depuis des dizaines d’années avec des expertises pointues. Pourquoi nos syndicats, dont la mission première est de défendre les intérêts des médecins, financiers en particulier, dans le cadre de la convention, se lanceraient-ils dans le domaine de la DPC? On pourrait penser que ces formations concerneraient la vie syndicale, l’écosystème, la santé, les circuits de décisions, ces domaines qui ne faisant pas partie de la formation médicale initiale de nos étudiants. Mais au contraire elles traitent pour la plupart de sujets médicaux purs. Bien évidemment, il est dit qu’il y a un cloisonnement financier entre ces organismes de formation et la vie de chaque syndicat. Dont Acte. Il n’en est pas moins que ce sont souvent les adhérents de chaque syndicat qui participent à ces formations médicales qui n’est pas du ressort d’un syndicat professionnel
- Multiplication des partenariats : Si ce n’est pas le cas pour tous les syndicats, il est assez étonnant de voir certains partenariats comme des industriels, des assureurs, des banques… Le partenariat n’est pas un problème dès lors que l’on connait la convention avec ses droits et obligations qui lient ses partenaires aux syndicats. Faute de quoi, on peut se poser là encore la question de la réelle indépendance de ces syndicats.
Propositions du COMELI
Unité dans la Diversité
La pluralité syndicale est une chance dans une démocratie dès lors qu’elle se base sur un projet idéologique clair, lisible et visible des médecins. Elle gagnerait à se débarrasser des histoires d’égo surdimensionné, responsables d’une part de divisions intestines, et d’autre part d’un désengagement des médecins de l’adhésion et de la vie syndicale. Ceci est d’autant plus vrai que de point de vue purement idéologique, la différence entre certains syndicats est de l’épaisseur d’une feuille de cigarette ! Quelle que soit l’idéologie, tout syndicat doit pouvoir être autonome financièrement pour garantir son indépendance.
Suppression définitive des fonds conventionnels à la signature de convention
À la place, nous proposons une obligation d’adhésion syndicale pour tout médecin libéral sur un montant à définir. Ce montant doit couvrir le bon fonctionnement de la vie syndicale.
À titre d’exemple, lors de la dernière convention, les fonds conventionnels ont représenté le montant de 2,7 millions d’euros par an. Il est réparti pour 20% à parts égales entre les syndicats signataires, et pour les 80% restant au prorata des sièges occupés par chaque syndicat à la CPN (Commission Paritaire Nationale).
Une telle cotisation obligatoire permettra ainsi :
- Une réelle indépendance de nos syndicats (quelle que soit leur idéologie) de la signature conventionnelle.
- Une réelle représentativité qui sera annuelle et mesurable dans le temps (indépendamment des élections professionnelles aux URPS)
- Suppression des fonds conventionnels à la signature de la convention
- ajout de l’obligation pour tout médecin libéral d’une cotisation syndicale annuelle et les dispositifs de sa mise en œuvre
- la règle indiscutable d’une cotisation valant une voix lors des votes de chaque syndicat
- Publication des résultats annuels de ces cotisations, reflet de la représentativité
Formations spécifiques de la santé hors soins
Si des syndicats souhaitent faire de la formation professionnelle, celle-ci sera alors non médicale (hors soins) et orientée vers l’écosystème de la santé :
- Vie conventionnelle
- Missions des organismes représentatifs de la santé
- circuits de décisions
- etc
Ces formations manquent cruellement dans la formation continue des médecins. En effet, si nous avons été formés à bien soigner, peu nombreux sont les médecins qui connaissent le monde de la santé hors champs du soin. Or, cette culture est nécessaire pour comprendre les logiques qui orientent l’avenir de la santé.
Transparence sur les conventions de partenariat
Il est tout à fait audible qu’un syndicat veuille trouver des partenaires dans leur vie syndicale. Dans ce cas, il nous paraît indispensable :
- de citer clairement ces partenaires
- de présenter la convention complète de partenariat, en particulier en cas d’objets financiers
Révisions de la définition de la représentativité d'un syndicat
Aujourd’hui, les critères de représentativité des syndicats sont essentiellement liés aux résultats des élections professionnelles aux URPS (Union Régionale des Professionnels de Santé), complétées par une enquête de représentativité diligentée par le ministère de la Santé et sous l’égide de la “Mission Nationale de Contrôle” (MNC) et de l’audit de la sécurité sociale
Nous proposons que désormais cette représentativité soit basé :
- Systématiquement sur les cotisations syndicales obligatoires, publiée chaque année
- une dissociation de la représentativité avec les élections professionnelles des URPS
Résultats des élections professionnelles de 2021
Collège généraliste
- La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) passe de 20,25 % en 2015 à 17,31 % en 2021.
- La Fédération des médecins de France (FMF) passe de 27,62 % en 2015 à 17,18 % en 2021.
- La Fédération française des médecins généralistes (MG France) passe de 31,29 % en 2015 à 36,58 % en 2021.
- Le Syndicat des médecins libéraux (SML) passe de 16,49 % en 2015 à 9,46 % en 2021.
- L’Union collégiale (UC) passe de 3,78 % en 2015 à 2,18 % en 2021.
- Jeunes Médecins obtiennent 0,22 %.
- L’Union française pour une médecine libre – Syndicat (UFML-S) obtient 17,08 %
Collège spécialiste
- La Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) passe de 31,67 % en 2015 à 22,36 % en 2021.
- La Fédération des médecins de France (FMF) passe de 16,68 % en 2015 à 7,5 % en 2021.
- Le Syndicat des médecins libéraux (SML) passe de 23,86 % en 2015 à 12,02 % en 2021.
- L’Union collégiale (UC) passe de 2,72 % en 2015 à 1,38 % en 2021.
- L’Union syndicale « Avenir Spé » « Le BLOC Union AAL-SYNGOF-UCDF » passe de 24,22 % en 2015 à 39,30 % en 2021.
- L’Union française pour une médecine libre – Syndicat (UFML-S) obtient 16,67 %.
- Jeunes Médecins obtiennent 0,75 %.
Rappelons enfin que seul un syndicat représentant plus de 30% des voix peut valider et signer une convention ou un avenant. Les droits d’opposition sont possibles, mais il faut que la représentation atteigne plus de 50%. Aujourd’hui, seule l’Union Avenir Spé – Le BLOC et MG France peuvent signer conjointement un avenant à la Convention.
Focus sur les URPS
La création des structures régionales de la santé remonte à la loi Teulade qui en 1994 amorce une gestion décentralisée de la santé au sein des régions. À ce titre sont créés alors :
- l’ARH, Agence Régionale de l’Hospitalisation
- l’URCAM: Union Régionale des Caisses d’Assurance Maladie
- l’URML: l’Union Régionale des Médecins libéraux
Il est assez étonnant d’ailleurs que les autres professionnels de santé aient été totalement exclus de cette décentralisation. Il a fallu presque 20 ans, pour que cette erreur soit corrigée avec la création des URPS, Union Régionale des Professionnels de Santé, se déclinant sur 12 types différentes professions (Médecins, pharmaciens, Infirmiers, dentistes…,). C’est la même année, lors de la loi de Mme Bachelot, qu’ont été créées les ARS, Agence Régionale de Santé. Celles-ci sont une fusion administrative entre les ARH et URCAM d’une part, et d’autre part l’intégration d’autres dispositifs comme les DDASS, DRASS etc.
Ce qui n’a pas changé en revanche, c’est la centralisation des décisions concernant la santé qui se font toujours à Paris, les ARS n’étant finalement que la courroie de transmission de ces décisions.
Il en va de même pour les URPS qui deviennent ainsi l’anti-chambre régionale des divisions syndicales nationales.Depuis 2006, les choses ont changé pour l’URPS médecin qui refuse dans de nombreuses régions de jouer à ce jeu de division stérile. Les projets portés sont souvent trans partisans, faisant espérer que les consensus trouvés en région puissent être transmis au niveau national.
Malheureusement cela reste difficile du fait même de la collusion entre les élections aux URPS et la notion de représentativité des syndicats.
Ainsi, tous les 5 ans, les médecins souhaitant s’investir au sein des URPS ne peuvent le faire que sous l’égide d’un syndicat à travers des listes validées par chaque syndicat. Et les résultats de ces élections URPS donnent directement la représentativité des syndicats.
Dans un esprit d’apaisement et de pragmatisme, nous proposons donc que les élections aux URPS soit dissocié de la représentativité syndicale :
- Si des listes syndicales peuvent perdurer, il doit être permis à des médecins qui le souhaitent de présenter une liste non syndicale autour d’un projet régional commun
- les élections professionnelles donnant la représentativité soit décalées à mi-mandat des URPS
- Renforcer la représentativité des syndicats avec le nombre d’adhérents
Ce site et son contenu ont été réalisés par des médecins volontaires, essentiellement en plus de leur temps de soins. Le temps passé a été important, ainsi que les acquisitions de différents outils (hébergements, plug-in, images et photos, presse…).
Même si un petit soutien financier n’est pas obligatoire, il nous sera d’une grande aide pour subvenir à ces charges. Par ailleurs, vos dons, nous permettrons de financer vos collectifs (location de salle, pots de convivialités, matériels de présentation et d’animation, etc.) le temps que ces collectifs aient leur propre autonomie dans leur gestion locale.
D’avance merci de nous soutenir, de VOUS SOUTENIR.
Les autres avis
Notre indépendance doit passer par là
Pas d’indépendance des médecins sans indépendance des syndicats.
“Si c’est gratuit c’est que c’est nous le produit”.
L'independance comme base de confiance
Il est indispensable que ce pres requis d independance des syndicats soit décidé afin que les medecins de terrain se sentent reconnus et entendus . Sans ça il n y aura jamais de confiance.
Pour une réelle indépendance des syndicats
Battons nous pour une réelle indépendance des syndicats et une meilleure représentativité, qui leur donnera plus de poids.
On peut toujours espérer
Espérons que les syndicats soient sensibles à l’argumentaire